Le rythme de la musique berce la vague d’ivresse qui prend possession de l’âme des clients, cette masse jeune et insouciante qui demeure sans aucun doute le meilleur chiffre d’affaire du patron des lieux. Le dos légèrement appuyé contre le rebord du comptoir, tes prunelles d’un brun clair visionnent l’ensemble de la salle, qui vit à la cadence d’un son tonitruant avant de laisser le gout du jazz entrer en scène. Dans un premier temps tu te demandes ce que tu fais ici, mais tu sais très bien la réponse : tu cherches juste à prendre une direction, mais tu n’es pas encore prête à la prendre vraisemblablement. Tu passes une main dans sa chevelure quelque peu ondulée avant de te retourner vers le barman auquel  tu commandes une  bière. Il t’accorde une œillade charmeuse mais cela t’es réellement bien égal, alors tu attends en laissant tes songes et tes pensées reprendre le dessus. Ton frère est sans doute auprès de sa petite amie actuellement dans le coma, ton autre frère est quant à lui en train d’idéaliser une vie qu’il vit au travers d’expériences un peu plus fâcheuses que les jeunes d’aujourd’hui. Et tu te dis que tu dois également ta présence ici à Clover qui loin de te ressembler fait bien une osmose parfaite pour les proverbes amicaux, ce qui entre nous n’est guère pour te déplaire. Ta meilleure doit sans doute être dans le coin, après tout c’est bien elle qui t’as invité – avec insistance ou presque – à cette soirée entre amis. La musique suit un tout autre rythme désormais, celui d’un blues typiquement britannique qui apaise les mœurs de tes propos. Le barman dépose ton verre sur le comptoir, le tout accompagné d’un papier froissé comportant son numéro de mobile. Tu esquisses un rire sarcastique et discret avant de le mettre en boule au fond de ta poche, il atterrira à la corbeille un peu plus tard. « Habitué aux avances et aux numéros de téléphone. ». Ce n’était pas une interrogation mais une simple assertion qui relevait d’une observation ni plus ni moins. La voix de l’inconnu attire néanmoins tes yeux sur le visage ténébreux et pour le moins mystérieux du jeune homme qui de sa carrure dessiné soutien ton regard. Il semble lire en toi comme dans un livre ouvert alors que tu ne le connais pas. « Vous parlez certainement en connaissance de cause alors. ». Ton timbre de voix n’est pas agressif, juste distant et impassible, ce qui provoque chez lui in rire qu’il masque sous sa barbe naissante. Un détail certain qui te mène sur la conclusion qu’il n’a pas non plus une vie emplit de rose, mais outre passe cette remarque inutile. Le brun aux reflets de jais se rapproche un peu de toi écrasant sa cigarette dans un cendrier au passage, laissant ainsi une dernière volute de fumée danser dans l’air lourde presque étouffante de la pièce. « Les apparences sont trompeuses ne vous trompez pas sur les gens, vous pourriez être surprise. ». Sa voix est envoutante mais transpire également une certaine souffrance qui ne t’est pas totalement inconnue, cet étranger pique réellement ta curiosité. « Puisque vous semblez si certain dites m’en un peu plus alors … ». Tu hausses les sourcils et tu le considères d’une expression faciale similaire à un acte de défi car tu sais que cela mettra fin à une conversation que tu n’as jamais désirée. Il laisse un rictus se dessiner sur ses lèvres, presque comme si il était certain de lui. « Disons plutôt qu’en vous observant je suis parvenue à une déduction plutôt plausible. Par exemple vous avez un attrait assez prononcé pour l'art ce qui me laisse penser que vous étudiez dans ce domaine, et je pense que l’un des membres de votre famille est là. ». Il désigne tout simplement une jeune femme d’un signe de tête avant de reprendre le fil de sa réplique. « Ce n’est pas totalement frappant certes, mais on voit le lien. Je pourrais continuer longtemps comme cela mais je préfère apprendre ces autres choses de votre bouche … ». Une demande masquée mais suspendue qui attendait toute fois une réponse. Plutôt observateur le jeune homme, ce qui te laisse perplexe. Tu poses ton regard sur le côté avant de reporter ton attention sur lui, la sienne quant à lui n’a pas bougée d’un pouce, elle reste constamment sur toi.

Cette soirée à faire naitre une certaine relation entre vous, un lien qui semble limpide en ce qui te concerne mais pour Peter la situation semble se refermer sur lui. Musicien également, le jeune homme a dû faire face à un évènement qui a quelque peu chamboulée sa vie, un fait dont il est toujours resté très vague avec toi. Seulement tu sembles bien décider à comprendre ce qui le rend si différent ces derniers jours. Assise sur l’une des nombreuses caisses de son garage, tu grattes doucement quelques notes sur la guitare classique afin de faire passer le temps. La poignée de la porte se tourne et tu entends la voix familière du retardataire. « Alors ma belle tu voulais me parler d’un truc important parait-il ? ». Il t’interroge avec une certaine spontanéité qui pourrait te troubler d’ordinaire mais tu es bien déterminé à comprendre le fin mot de l’histoire. Peter te toise furtivement, et dépose les deux tasses de café avant de s’asseoir en face de toi et de continuer. « Nora ? ». Ton regard est lointain mais aussi versatile que de coutume. Tu poses la guitare à ton coté avant de prendre une voix calme. « Tu veux bien m’expliquer pourquoi tu te braques à chaque fois que je parle de mon frère ? Tu as un problème avec lui ou quoi ? ». La mine de ton interlocuteur se veut plus sombre comme si tu venais de toucher un point sensible, preuve que finalement tu étais sur le bon chemin. Peter relève le visage vers le tien, pose ses mains sur tes poignets l’air extrêmement souciant. « Je ne voulais pas en arriver là crois-moi, mais je veux que tu m’écoutes. ». Tu n’es pas aussi blanche que la neige et juger autrui sans chercher plus loin que le bout de son nez ne te ressemble pas non plus. « Je le suis celui qui a renversé par mégarde la petite amie de ton frère. ». Une phrase qui suffit à relier le tout de son comportement de la situation. Tu fais d’ailleurs très vite le lien et tu te sens trahit, mais la seule chose que tu désires faire c’est de quitter les lieux. Alors d’instinct tu te lèves en te dégageant de lui. « Nora, laisse-moi t’expliquer ! ».  « Il n’y a rien à expliquer ! J’avais un doute sur toi mais là … ». La colère te domine plus que tout autre chose, alors la meilleure chose à faire et de plier bagage. Tu prends rapidement ton sac au passage avant partir du garage témoin de votre échange.