Dix-neuf heures, samedi soir, tu es toute seule à l'appartement. Grantham Road, c'est pas bien loin du Neptune. Harlow, ta frangine travaille contrairement à toi. C'est ton jour de congé. Un samedi soir, difficile à croire, mais oui. Tu t'apprêtes donc à sortir. Tu chausses ta paire de talon. Pas trop haut, sinon t'aurais mal au dos toute la soirée. Et t'en avais absolument pas envie. Tu chopes ton sac, vite fait t'y fourre ton cellulaire et ton rouge à lèvre carmin. Tu sors. Un mec se rapproche dangereusement de toi. Pas moche, que tu penses en levant les yeux sur lui. Une bonne petite gueule même. Tu le regardes avec intensité comme lui le fait. Et puis, il commence à se coller à toi. Vous vous trémoussez sur une piste de danse bondée. Collés l'un à l'autre. Ça devient vite chaud. Très chaud même. La soirée défile à toute vitesse et ce mec ne te lâche pas d'une semelle. Il t'offre à boire. Il t'envoie des compliments. Ça te fait sourire. Vers vingt-trois heures, ou minuit, tu le tires jusque dans les toilettes de la boîte. Pas besoin d'expliquer votre petite partie de jambe en l'air. Tu l'as fait suffisamment poireauté le pauvre. Vous aviez bien bu. T'avais eu envie de finir la soirée en beauté.

Huit heures trente du matin. Tu te retournes dans le lit. Tu pousses un petit cri, à mi-chemin peureux et horrifié. Tu viens de te rendre compte qu'un type se trouvait à côté de toi. "Qu'est-ce tu fous là, bordel de merde ?" Gueules-tu presque. Il est bien réveillé maintenant et lorsqu'il tourne la tête dans ta direction, tu te rappelles de tout. "On est chez moi là. Mais, bonjour quand même." "Chez toi ? Tu déconnes mec..." Ta voix se perd. Effectivement, tu ne reconnais pas la décoration de ta chambre, mais bel et bien le bordel d'un mec. Tu prends pas la peine de répondre à son bonjour et tu sautes littéralement hors du lit. A la recherche de ce qui pourrait s'apparenter à une petite culotte. Ta petite culotte. Tu souffles, tu t'énerves, puis tu re-souffles. Ah, tu la trouves enfin ! Derrière la commode. Pas très commode, comment avait-elle bien pu arriver là ? "T'es pas obligée de te barrer comme ça. J'peux peut-être te préparer un café ?" Un café, un café ? Et tu veux quoi encore, penses-tu. "Pas le temps, je dois aller bosser. Hors de question que j'y aille comme ça. Faut que je passe chez moi me changer." Ok, on t'as déjà dit que t'étais une mauvaise menteuse petite Kamryne ? Bosser à huit heures du matin alors qu'on est samedi et que t'es guichetière dans un cinéma, elle est bonne celle-là. Oh ta gueule toi. Ohoh, me parles pas sur ce ton sale gosse.

"Harry, t'aurais pas vu la télécommande de la télé ?" "Nan, t'as qu'à bouger ton cul et la chercher !" "Autant poser la question à une sourde, ça sera pareil." Tu regardes donc entre les coussins du canapé, mais elle n'y est pas. Merde alors. Tu laisses tomber l'idée de regarder un dessin-animé et tu vas chercher un bouquin dans ta chambre. Tu t'assois et tu lis. Jusqu'à ce que tu sois interrompue par la sonnette de l'appartement. "J'y vais" fais-tu savoir à ta sœur. Tu vas donc ouvrir comme prévu. Et tu tombes nez à nez avec ce type. Toujours le même. Putain.