Sept heure pile. Le réveil hurle, déchire le silence du matin, couteau qui éventre la putain. Mais t’es déjà debout, à moitié nu, tu contemples le monde à tes pieds, au sommet du gratte-ciel, devant ta baie vitrée. T’expires la dernière bouffée de fumée, dernier souffle de vie, et le mégot écrasé dans le cendrier, homme à la tête tranchée. Y’a une chose qui geint dans ton lit, une chose qui salit tes beaux draps et ça tu ne le supportes pas. Alors tu te comportes en parfait connard. La salope te jette un regard noir. Alors que t’as quand même fait l’effort de lui ramasser ses vêtements avant de lui désigner la porte. T’as l’eau qui dévale sur ta peau et tu te prélasses encore un peu, avant de sécher tes cheveux d’or. Toi, tu t’habilles d’argent et tu te parfumes au luxe, costume assorti à ton sourire arrogant. Tu suintes la richesse, comme un boucher sentirait la viande. T’as de l’argent à ne plus finir, de l’or en guise de cœur, des diamants à la place des dents, des bons de trésors pour recouvrir ton corps. T’es l’élite de ce monde, la crème de la crème, tous les grands te doivent de l’argent. Élu plus jeune milliardaire ce matin, t’auras bientôt le pays entre tes mains. Tu fais ton entrée dans ton royaume financier, la tête couronnée de tous tes lauriers. On te salue avec respect, par crainte ou par jalousie. On n’ose même pas murmurer dans ton dos. On ne t’aime pas, mais tu t’en fiches, tu ne les paies pas pour t’apprécier. Tu t'installes dans ton grand fauteuil de cuir, fabriqué en Chine, assemblé aux États-Unis pour une plus grande empreinte carbone possible. Toi, tu ne l'aimes pas ta planète, tu prends plaisir à gaspiller, à polluer. Les espaces verts, c'est pour les pédés. Toi, tu vis dans ton nuage gris de pollution, la tête enfermée dans une vallée de gratte-ciel. Les écolos peuvent aller se faire voir, se mettre leurs slogans à la con ailleurs. Tu leur dresses bien haut ton majeur. Tu ne supportes pas la bien pensée humaine, cette soi-disant pulsion de faire le bien, qui vous pousserait à aider la veuve et l'orphelin. La vieille dame, tu la laisses au milieu de la route, tant pis si elle se fait écrasée, elle n'était qu'un poids pour la société, ça te fera un peu moins d'impôts à payer. Tu ne supportes pas tous ces hypocrites, fils de riches, étudiants ou professeurs qui votent à gauche pour le bien des prolos, alors que ce sont les premiers à râler lorsqu'il s'agit de payer impôts. Tu ne crois pas en la justice sociale, t'es ultra-libéral, tu veux ton État Gendarme. Tu refuses de payer pour des putains de flemmards qui n'ont pas la décence de se bouger pour gagner eux-mêmes de quoi bouffer. Surtout que ce genre de vermine ne sait que se reproduire comme des lapins, pour espérer toucher encore un peu plus de ton argent. Les récompenses se doivent être distribués aux méritants. Les gens pensent que c'est facile pour toi de dire ça, ils pensent que t'as eu une vie facile, né avec une cuillère en or entre les dents. Comme si ton père était de ceux qu'aurait laissé son fils larver, sombrer dans la décadence de la jeunesse actuelle. T'as travaillé dur pour en arriver là, tu travailles toujours plus que tous les autres employés. Et ils le savent, une autre raison pour lesquelles, tu te fais respecter. T'en as baver, rien que pour voir, cette lueur de fierté dans les yeux de ton père. Ton père, cette légende, tu veux pouvoir le dépasser. Ton père qui meurt à petit feu, d'un saloperie de cancer de poumons.