Diandra Elizaveta Mayer-Williamson poussa un long soupir fatigué en refermant le livre qu’elle feuilletait et le posa sur le guéridon se trouvant à la gauche du fauteuil confortable sur lequel elle était assise. C’était le troisième qu’elle lisait depuis le début de l’après-midi, et toujours rien. Qu’est-ce qui avait bien pu passer par la tête de Chandra pour qu’elle décide du jour au lendemain de lui envoyer par coursier une dizaine de ces bouquins débiles pour choisir le prénom idéal de son bébé ? « Allez, Danny, je suis persuadée que tu trouveras ton bonheur là-dedans », s’était enthousiasmée Chandra lorsque Diandra l’avait eu au téléphone un peu plus tôt. Ben voyons. Chandra n’avait pas d’enfant, et même pas l’ombre d’un homme dans sa vie. Comment pouvait-elle s’estimer la maîtresse incontestable des livres parfaits pour choisir le prénom d’un bébé ? « Je n’ai pas besoin de ton aide, Chandra » avait répliqué Diandra. « Ah ouais, c’est pour ça que ma nièce qui est censée naître dans environ quinze jours n’a toujours pas de prénom ? », avait malicieusement répondu Chandra, moqueuse. « Ta nièce ? Je te trouve bien sûre de toi », avait rétorqué Diandra. Elle qui venait d’une famille de quatre filles sentait au plus profond d’elle-même que le petit être qui grandissait dans son ventre était un petit garçon. Et que, dans quelques années, ce petit bout serait un beau jeune homme sûr de lui qui ferait chavirer le cœur des filles. Oui, elle y croyait dur comme fer. Les Mayer avaient eu quatre filles ; Elias Mayer était le seul garçon de sa propre fratrie, et Constanzia Mayer était l’aînée d’une fratrie de trois filles. Autant dire que chez les Mayer, peu de gens pariait sur la naissance d’un éventuel héritier mâle pour la fortune considérable des Mayer- Williamson. Evidemment, tout aurait été tellement plus simple si elle avait pu connaître le sexe de son bébé. Mais il avait fallu que sa garce de belle-mère réussisse à convaincre Will qu’il fallait « préserver le secret ». Alors que Will était parfaitement disposé à connaître le sexe de leur premier enfant. Mais c’était du Rosalie tout craché. Elle savait que Diandra était dévorée de curiosité. Alors comme à chaque fois qu’elle le pouvait, elle s’arrangeait pour pourrir l’existence de sa belle-fille. « Chérie, il serait temps que tu te décides. Je t’ai déjà dit plusieurs fois que Charlotte me convenait pour une fille, mais arrête de faire autant de manière pour un prénom masculin » « J’attends de trouver le prénom parfait », avait répliqué Diandra. « Comme tu le sens. En attendant, tes sœurs n’arrêtent pas de harceler ma secrétaire », avait soupiré William le matin-même. Songeuse, Diandra caressa son ventre rebondi. Bientôt, ce petit être verrait le jour. Et elle était absolument convaincue qu’il remplirait son existence toute entière de bonheur.

« Je… » Jonah leva les yeux lorsqu’Azure se tut. Sa voix s’était brisée et plus aucun son ne parvenait à sortir de sa bouche. L’émotion, peut-être ? C’est en tout cas ce que le jeune homme suspecta. Une grosse boule s’était formée dans sa gorge, et l’empêchait d’émettre le moins son qui ressemblât à un mot. Un lourd silence planait sur l’assemblée. Jonah chercha le regard de sa fiancée mais les yeux bleus d’Azure l’évitèrent. Quelques toussotements gênés commençaient à se faire entendre. « Acceptez-vous de prendre Jonathan Kelian Eduardo Williamson-Mayer pour légitime époux ? », répéta le prêtre avec bienveillance. Le cœur de Jonah commençait à se glacer, réduisant les battements à de simples frémissements gelés. « Je suis désolée, Jonah… », murmura Azure, les larmes aux yeux. Elle baissa la tête et le voile blanc recouvrant ses cheveux dissimula son visage. « Azure, je ne comprends pas », murmura Jonah d’une voix blanche, serrant la main de sa fiancée dans la sienne pour attirer son attention. Elle secoua la tête et traversa l’allée centrale en courant, tandis que Jonah la suivait. Spencer gravit les marches de l’estrade et résolut d’endosser son rôle de témoin. « Veuillez nous excuser, je crois qu’il y a un léger contre temps », s’excusa-t-il face à l’assemblée guindée. Les portes de l’église se refermèrent sur ses mots. « Tu vas enfin m’expliquer ce qu’il se passe ? » « Je peux pas t’épouser, c’est tout », s’écria Azure en relevant furieusement son voile, les larmes perlant aux coins de ses yeux. « Quand tu es parti à Los Angeles, on s’était engueulé… Je me sentais mal, je croyais que tu allais vivre loin de moi, faire ta vie là-bas et m’oublier… et lui il était là, pour moi… », commença Azure d’une voix brisée en s’agitant dans sa somptueuse robe de mariée. Jonah l’arrête d’un mouvement. « Je comprends rien Azure, dis-moi clairement putain », s’énerva-t-il. « Je t’ai trompé Jonah, je voudrais tellement que tu me pardonnes… », supplia Azure. Il y eut un long silence uniquement trahi par le brouhaha qui commençait à se faire entendre de l’autre côté. Jonah avait l’impression qu’on venait de lui rouler dessus avec un semi-remorque. Son corps ne battait plus, il en avait l’impression. « Avec qui ? Je le connais ? », murmura-t-il d’une voix douloureuse. Chaque mot lui enflammait la gorge. Azure hocha lentement la tête. « Dépêchez-vous, tout le monde commence à paniquer », intervint Spencer en refermant la porte derrière lui. Il y eut une minute de flottement puis tous trois échangèrent un regard. Spencer croisa le regard d’Azure, puis leva une mine choquée vers son frère. « Jonah… », commença-t-il. « Espèce de connard », rugit Jonah en se jetant sur son frère. La fureur avait explosé en lui et il ne pouvait plus se maîtriser. La suite ne fut plus qu’un mélange de souvenirs flous composés de fracas, de hurlements, de coups et de sang. Il ne se souvint que de bras l’arrachant à sa haine et du sang qui s’était répandu sur son costume blanc.