Tu as grandit en Nouvelle-Zélande, dans les bas quartiers d'Auckland. C'était pas le paradis, mais il y avait pire. Ta mère était peintre et vendait quelques toiles, rien de bien reluisant. Ton père était en invalidité suite à un accident de travail et ne travaillait plus depuis que tu avais deux ans. Alors tu faisais avec ce que tu avais. Parfois, tu chapardais une paire de boucles d'oreilles ou encore du chocolat, mais tu n'étais pas une délinquante. T'étais un peu pauvre, alors tu te démerdais. A l'époque tu était débrouillarde, tu avais des rêves. A l'époque tu croyais encore que la vie était quelque chose de précieux qui t'apporterait du bonheur, de l'amour. Tu croyais encore au prince charmant et aux contes de fées. C'était beau d'y croire. Beau de penser que la vie pourrait être belle. Beau d'être innocente. Beau de croire que les gens ne pourraient pas te décevoir si facilement. Beau de penser que regarder les étoiles suffisait à effacer tous les maux. Beau de penser qu'un câlin pouvait effacer une querelle. Beau de penser que l'Homme était un être correct, bon et qu'il utilisait son intelligence pour le bien du plus grand nombre. Beau de pense que la vie pourrait être belle, ouais. Quelle belle conne tu étais.

Et puis tu es partie d'Auckland. L'Angleterre t'avais toujours passionnée et ton rêve de toujours était d'y vivre, d'y travailler et de t'y construire un chez toi. Alors à l'âge de dix-neuf ans tu t'en vas. tu t'envoles pour ton rêve de liberté. Tu as trouvé un job en télé-communication. C'est un tremplin. C'est ce boulot qui va te permettre d'obtenir un visa de travail et te permettre de vivre là où tu le veux. Seulement le rêve tourne au cauchemar. Ils ne sont pas ceux qu'ils prétendent être. Ce sont des imposteurs et si tu veux ton visa, tu dois faire ce qu'ils veulent réellement de toi : téléphone puis prostitution. Tu le feras. Parce que tu es piégée. Parce que tu ne sais pas comment te sortir de là. Pendant deux ans. Deux longues années avant que le réseau ne soit démantelé. Deux années qui te briseront.

Tu passes par la case psychologues, par la case psychiatre. Puis tu cesseras de parler. Tu ne diras pas un mot pendant un an. Tu te balanceras tous les soirs d'avant en arrière, des larmes silencieuses coulant le long de tes joues. Tu seras presque morte. Comme morte. Et puis tu commences un peu à revivre. Tu adresses des regards aux gens lorsqu'ils te parlent. Surtout une personne en réalité. Lui. Ton sauveur. Il est infirmier dans l'hôpital psychiatrique où tu es. Tu le côtoies depuis un an sans t'en être rendue compte. Alors que ton regard est perdu dans le vague, il soupir de désarrois. Un an qu'il te voit comme ça. Il s'agenouille devant toi, te prend les mains. Tu hurles. Comme à chaque fois qu'on te touche, mais il ne lâchera pas. Alors pour le faire arrêter, tu n'auras pas d'autre solution que la parole. Alors, ce jour là, tu reprends contact avec la réalité. Tu ne voulais pas, c'était bien plus facile d'être "morte". Mais tu ne peux plus te replonger dans cet état de transe. Tu essaies mais tu n'y parviens plus. Alors tu le déteste. Tu le hais. De toutes tes forces et c'est ce qui te fais tenir. Tu vas mieux, tu sors. Mais un fois que tu as un chez toi, la peur revient. Les TOCS apparaissent. Tu dois fermer trois fois chaque porte, chaque tiroir et les objets qui sont chez toi doivent être rangés d'une certaine façon, sinon tu ne te sens pas en sécurité. Tu as peur des grosses foules, tu es claustrophobe. Puis, il y a six mois, tu déménages de Londres pour Brighton. Pour une nouvelle vie. Pour un nouveau départ. Sans dire au revoir. Tu rencontres un homme qui t'inspire une confiance que tu ne comprends pas et pour te permettre d'être naturalisée et de ne plus vivre avec des visas de travail, vous vous mariez.

Alors au final, ta vie n'est pas un conte de fée et tu es quelque peu perdue. Alors tu bois pour oublier, et tu te balades avec ton accent qui te fais passer pour une australienne alors que tu ne l'es pas, en te demandant pourquoi tu es encore sur cette Terre.