Daft Punk dans les oreilles, un sac du supermarché bio à la main, queue de cheval haute et fringue de jogging. Si quelqu'un était témoin d'un meurtre et cherchait à se rappeler de tous les suspects, c'est probablement comme ça qu'il me décrirait aux enquêteurs. Daft Punk en moins, bien sûr. C'était une journée ordinaire à Brighton. Levée 9h, j'étais le genre de jeune femme motivée dès le matin pour une bonne séance de course. En réalité, tout prétexte était bon pour me tirer de l'appartement de bon matin. Éviter de croiser Loomis, qui de toute façon ne serait probablement pas réveillé avant des heures. Partager le même lit que lui étais le plus grand sacrifice auquel je concédais dans notre vie "matrimoniale", en plus de le nourrir et m'assurer qu'il n'oublie pas d'aller en cours. Ce qui, en soit, était plutôt simple. En admettant, toutefois, que je me plie à la tache de bonne grâce, ce qui était encore sujet à caution.
Tiens, en parlant de meurtre. L'appartement était plongé dans le noir. Je jetais un coup d’œil à la pendule du four. 10:47. Bah voyons. Clefs dans l'entrée, sac sur la table de la cuisine, je me dirigeais vers la salle de bain avant de me raviser. Ce que je m’apprêtais à faire risquait de ne pas enchanter ce qui me faisais office de mari. Tant pis. Je détestais ce genre de flemmardise. En ouvrant la porte de la chambre, je ne fus que confortée dans ce que je pensais : Monsieur dormait, à poing fermé. Bah voyons. « Debout là dedans ! » Lançais-je à haute voix en ouvrant d'un coup sec les rideaux. « Il est 11h, le soleil est déjà haut dans le ciel, les oiseaux chantent, on se lève. » La question maintenant était de savoir combien de temps me restait-il avant que sa mauvaise humeur me saute à la figure.

Je ne supportais certes pas sa présence, mais je supportais encore moins ses longues matinées de sommeil, appartement plongé dans le noir, ce qui m'empêchait de faire quoi que ce soit. Alors quitte à devoir le supporter, autant qu'il soit réveillé. Un oreiller acheva sa course dans le mur juste à côté de moi. « Et je te signale que cet oreiller ne t'a rien fait ! » Un deuxième vint alors le rejoindre au sol. Pauvre type. Je ramassais les deux rescapés du problème alors qu'il se levait. Je soupçonnais qu'il me toise d'un regard noir. Pas mon problème, il était déjà onze heure et il avait perdu presque la moitié de sa journée. J'entrepris de refaire le lit - on m'avait appris à tenir une maison tout de même - et retapait les oreillers. Il n'aurait qu'à faire une sieste, si il cherchait tellement à ressembler à une marmotte. Hausse de ton dans la cuisine. Décidément.
Je le rejoignis pour le voir son regard hautain et dédaigneux posé sur mes courses. Le faire bouffer comme un lapin ? J'aurais bien voulu. Mais il ne rentrait pas dans un clapier, malheureusement. J'attrapais mon sachet de course, décidé à ranger tout ça avant que Monsieur n’entreprenne un chemin plus court pour les mettre directement à la poubelle. « Je pense que jusqu'ici tu n'es toujours pas mort de faim, alors fais moi plaisir, ne t'intéresse pas à ce qu'il y a dans mon sac de course et contentes toi de bouffer. » Pauvre type. En épouse correcte, cependant, je mis en marche la machine à café. Sa dernière phrase changeant mon ambition en l'idée de l'ébouillanter avec son café. « Un certain standing ? Caviar et champagne tout les midi, foie gras le soir ? Si ça ne te convient pas, j'ai une grande nouvelle pour toi. La porte est juste derrière toi sur la droite, je sus sûre que tu trouveras un restaurant de standing suffisant pour toi. » Double pauvre type. Je m'affairais quand même à lui faire son café et le posais sur la table, en face de sa chaise. « Oh pardon, il te faut un café spécifique d'Ethiopie ou celui-ci te suffira t'il ? » Et ma main dans la figure avec, c'était une option si jamais il osait me faire une réflexion supplémentaire.